Amusons-nous avec le télémarketing



- Bonjour, M. Laveur ?
- Désolé, il est mort.

- M. Laveur ?
- Oui ?
- Bonjour, comment allez-vous ?
- J'étais sur le point de partir pour ma séance de chimio. Et vous ?

- Allo, pourrais-je parler à M. Laveur ?
- C'est à quel sujet ?
- Je désirerais parler à M. Laveur, s'il vous plaît.
- C'est à quel sujet ?
- Etes-vous M. Laveur ?
- C'est à quel sujet ?  
- Ah, vous parlez de vous même à la troisième personne, comme Louis XIV ?
- Je crois que je vais abréger cet appel téléphonique.
- (sourire dans la voix) Bien sûr... Bonne journée monsieur.
- Bonne journée.

(extraits de conversations réelles)



Prologue

Le spam dans nos mails est chiant. Le spam dans les boîtes aux lettres occasionne 40 Kg de déchets par français et par an. Le marketing intrusif est une plaie. Il en est de même pour le télémarketing, mais si les gens sont moins sévères envers cette méthode, c'est parce qu'ils n'ont pas affaire à un programme informatique ou une feuille de papier, mais à une personne bien réelle à l'autre bout du fil. Oui, ces gens font leur travail, ils ont tous conscience que c'est un job de merde et ils sont aussi humains que nous, alors pourquoi les tourner en bourrique ? Posons-nous la question inverse : au lieu de penser à notre petit confort personnel, pensons à ces pauvres gens. Ils passent leur journée à se faire raccrocher au nez ! Egayons leur journée !
Blague à part, ils ont aussi conscience que nous qu'ils ne sont qu'un pion négligeable dans une énorme machine du diabolique capitalisme - à prononcer à la Djamel Debbouze pour un max d'effet : "kap'talimse". Le fond de la démarche commerciale et intrusive est la même, il n'y a que la forme - humaine - qui change. S'ils continuent, c'est parce que ça marche : par exemple, le spam par mail a un taux de réponse assez élevé (lisez n'importe quelle enquête sur le sujet qui finit systématiquement sur la page principale de Slashdot). Pour qu'ils s'arrêtent, il suffit de faire en sorte que ça ne fonctionne plus. En théorie, il suffirait que 100 % des gens raccrochent au nez des télémarketeurs pour qu'ils cessent. En pratique, on l'a dit, ce n'est pas le cas : les gens respectent la pauvre fille à l'autre bout du fil et acceptent qu'on leur envoie une brochure pourrie. Donc, comme ils n'arrêteront jamais, autant s'amuser avec eux, ou à leurs dépens : s'ils doivent se taper à chaque appel un connard dans mon genre qui leur collera des appels de 10 minutes sans avoir pu obtenir autre chose que la description de ma tumeur à la prostate, la rentabilité de la méthode en prendra un sacré coup. 

C'est pas compliqué : si vous avez ne serait-ce qu'une once de pitié pour la personne au bout du fil, dites-vous qu'au moins, votre conversation aura mis un peu de variété dans sa journée. Si au contraire, vous avez déjà tiré la chasse sur la majorité des sentiments ou émotions qui font de vous une personne socialement correcte, dites-vous que vous allez contribuer au pourrissement d'un système dont le principal attrait est de faire chier le monde. Pensez au-delà du type qui vous appelle.
Et pour la personne à l'autre bout du fil ? Vous savez qu'elle fait ce boulot parce qu'elle pense qu'elle n'a pas le choix, que son niveau d'études, son manque d'expérience ou n'importe quelle excuse foireuse lui font penser que c'est le seul boulot possible. Alors que c'est parfaitement faux : si les dessins animés japonais nous ont appris quelque chose, c'est bien qu'on peut faire absolument tout si on y croit, comme devenir concierge masculin dans une pension pour filles ou se taper cette fille albinos génétiquement modifiée avec les gènes d'Adam et Eve qui pilote un robot de 50 mètres de haut dans une combinaison ultra-moulante. Vous avez le pouvoir d'aider cette gonzesse à l'autre bout du fil qui fait du télémarketing par désespoir de cause : faites-lui réaliser que ce métier est si pourri que n'importe quel autre travail est plus lucratif et gratifiant - comme par exemple, tabasser des épiciers pour le compte de la mafia locale. Vous vous souvenez de cette scène dans Les Affranchis où ils foutent une trouille énorme à un facteur en lui collant la tête dans une chaudière ? Un de ces mafiosi était télémarketeur.
Aidons ces pauvres gens : amusons-nous avec le télémarketing.

Petite note à l'attention des agences de télémarketing : Supposons que vous, là, le lecteur, êtes dirigeant d'un centre d'appel marketing. Pas un employé, hein, je viens déjà d'expliquer que je n'ai rien à reprocher à ceux qui sont en bas de l'échelle. Mais si vous êtes au-dessus, ne serait-ce que manager, vous êtes en train de vous dire que cet article sera une excellente source d'informations pour peaufiner vos techniques d'appel. Peut-être, oui. Si vous aussi ça vous amuse, tant mieux - après tout, il faut être deux pour danser le tango. Mais j'ai un petit truc à vous dire, monsieur ou madame le manager de télémarketing : vous arriverez en Enfer avant moi.



Episode 1 - Deviner le plus vite possible qu'on a affaire à du télémarketing

La meilleure défense, c'est l'attaque. Et la surprise. Et la peur. Et une efficacité impitoyable. Personne ne s'attend à l'inquisition espagnole ! Le télémarketeur sait que vous êtes une cible. Quand vous décrochez le téléphone, vous ne le savez pas ; c'est comme avec Chuck Norris ou Ken le Survivant, il sait qu'il va vous tuer mais vous ne savez pas que vous êtes mort. Il faut donc savoir le plus vite possible que vous avez affaire à un assaillant pour CONTRE-ATTAQUER - mais ça, c'est l'épisode suivant. Alors, comment savoir à qui vous avez affaire ?
Attention : il ne s'agit pas d'être sûr à 100 %, mais d'avoir assez d'éléments pour penser sans trop de doutes que vous êtes une cible. N'oubliez pas, Ken et Chuck vous regardent.


... l'Episode 2 : Fair and square, en garde ! (Samurai Shodown)


CAPITAINE, IL FAUT ATTAQUER ! Vite !!! Improvisez votre réponse ! Vous pouvez bien sûr leur raccrocher au nez avant qu'ils aient le temps de dire quoi que ce soit. C'est la chose à faire si le téléphone a sonné pendant que vous étiez fort occupé - par exemple, vous venez d'arriver sur le point B de la carte et il n'y a pas la bombe alors ces cons de terros l'ont mise sur A, allez, de_dust est une petite carte et vous avez le Defuse Kit et elle vient juste d'être amorcée, VOUS POUVEZ LE FAIRE, FONCEZ. Purée, j'écris ça alors que j'ai arrêté de jouer à Counter-Strike à la Beta 0.6, en ces temps reculés où le 56k Rex régnait sur l'Internet français. Au moins, à l'époque, la ligne téléphonique était squattée par le modem et on était pas dérangé en pleine partie. Bref. Je disais donc, vous pouvez toujours leur raccrocher au nez, mais sauf cas de force majeure, c'est LA METHODE DE LA LOPETTE. Ils peuvent rappeler parce qu'ils ont cru à un bug de leur centre d'appel, mais c'est pas toujours le cas et vous aurez alors la paix. Mais merde, ce pauvre type va continuer ses appels pourris et vous venez juste de rater pour vous et pour lui/elle l'occasion de vous fendre la pêche. Et ça, c'est bien plus terrible.

Le but de ce chapitre est de vous aider à trouver quelques scénarios d'attaque utilisables. Evidemment, si vous avez un sens de la réplique aussi aigu que Jerry Seinfeld ou mon papa, tout ceci va vous paraître bien futile. Inspirez-vous de ces idées, inventez-en, et n'hésitez pas à improviser en cours de route. N'oubliez pas qu'ils font ça toute la journée à l'autre bout du fil, alors dans le pire des cas, ils penseront juste qu'ils sont tombés sur un échappé d'asile.

Donc : vous savez donc que vous avez affaire à du télémarketing, ou vous avez de fortes suspicions. Maintenant, c'est selon : soit 1) vous attaquez immédiatement, soit, méthode plus conservatrice, 2) vous laissez la personne en face parler un petit peu, histoire de préparer votre réponse, et attaquer.

1) First Attack = 2000 points
Encore une fois, il faut être sûr à 100 % que c'est du télémarketing : vous n'allez pas commencer à dire "Moshi moshi ?" et chanter le générique japonais de Sailor Moon S alors que c'est votre banquier qui est à l'autre bout de la ligne.
Avec un peu d'expérience et un bon centre d'appel pourri à l'autre bout de la ligne qui fait un brouhaha monstre, vous saurez que c'est un appel publicitaire avant même qu'ils aient dit quoi que ce soit. C'est bon, vous êtes sûr ? A l'assaut ! Voyons quelques scénarios utilisables.
2) Counter Attack = 3000 points
La méthode la plus courante : vous savez que c'est un télémarketeur, mais vous n'avez pas réagi assez vite, ou vous avez des doutes. Donc, il parle en premier. Profitez-en pour préparer votre stratégie. Voyons ensemble quelques idées :


Episode 3 : Telemarketers have feelings too

Un boulot de merde où on demande basiquement aux employés d'être le plus automatisés possible : un texte formaté qui défile devant leurs yeux, une fausse identité, des réponses prêtes à être balancées. Le jour où la reconnaissance vocale sera efficace, tous ces gens deviendront mafiosi et les facteurs auront tous la tête dans une chaudière. Je vous l'ai déjà dit : lobotomisés, ils passent la journée à se faire raccrocher au nez pour un métier qu'ils font par dépit. Quand votre courte attaque ou contre-attaque fait mouche et que vous entendez que la personne à l'autre bout du fil est étonnée (ou dans le langage des jeux de rôle, vous avez réussi votre stun), félicitations. Ce n'est pas elle que vous avez déstabilisée, mais ce foutu processus de robotisation. Vous avez rappelé à cette personne qu'elle est un être humain et pas une machine à lire un texte.

A partir de là, pas besoin de vous lancer dans une diatribe de donneur de leçons en tentant d'inviter cette pauvre fille ou ce pauvre type à changer de job. Pas besoin de dire quoi que ce soit, en fait : vous pouvez tout simplement lui parler normalement et lui souhaiter une bonne journée. Ou si vous êtes en état de famine sexuelle, essayer de la draguer, au pire, ça vous fera un râteau par quelqu'un que vous ne rencontrerez jamais et au mieux, une session de sex phone offerte par la maison.
Quoi que vous fassiez, vous avez mis un peu de piment dans sa journée naze, et vous raccrochez votre combiné sans avoir eu l'impression d'avoir perdu votre temps ou d'avoir assisté à un monumental gâchis de matière grise. Sans déconner : promenez-vous un peu dans votre ville et passez devant l'école primaire : tous ces gosses dans la cour de récréation qui s'amusent joyeusement, est-ce qu'ils apprennent à lire pour déblatérer des publicités au téléphone ? Vous imaginez tous ces futurs adultes dans des centres d'appel ? Mettons fin à cet esclavage, pourrissons ce système. Et pendant qu'on y est, contribuons à faire grossir les effectifs de la mafia : j'ai toujours rêvé de serrer la main à un yakuza avec quelques phalanges en moins.



Raton-Laveur, qui vient de se prendre un rateau par une personne qu'il ne rencontrera jamais.

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