Par Raton-Laveur

Cette critique va être aussi douloureuse pour vous que pour moi, alors commencons sans plus tarder.

Dernier long métrage d'Hayao Miyazaki? L'homme avait dit ça pour Sen To Chihiro No Kamikakushi, mais était revenu sur sa décision à cause des évènements du 11 septembre 2001. Hauru no ugoku shirô n'est cependant pas son dernier projet puisqu'il planche déjà sur quelques Ghiblies, autrement dit des courts métrages diffusés au Musée Ghibli. Dernier "gros" projet alors? On est en droit de le croire.
Surtout en voyant les références distillées au compte-gouttes tout au long du film qui feront tilter les fans. Le château ambulant est entouré de nuages à l'instar d'un autre château (mais dans le ciel celui-là), les défilés militaires aperçus au loin font penser aux mêmes démonstrations aperçues dans Porco Rosso, l'intérieur de la demeure d'Hauru n'est qu'un long panorama des thermes de Chihiro (des couloirs à la chambre en passant par la chaudière avec esprits fournis en série), et Sophie qui dit bien haut que "c'est dur d'être vieux" doit parler pour son dessinateur. Pas son auteur, pensez donc, puisque pour la première fois depuis Sherlock Holmes, Hayao Miyazaki se base sur l'histoire d'un autre. Qui là aussi a ses propres références: les soldats se mettant en chasse des rebelles seraient dirigés par une mégère beuglant "coupez-lui la tête!" que ça ne m'aurait pas plus surpris que ça. Le film râtisse large comme le monde, piochant ses influences partout et aboutissant à un pot-pourri qui a vraiment une odeur de baisser de rideau en apogée, d'adieu avec une oeuvre "complète". Ou chef-d'oeuvre, au premier sens du terme, comme on l'a beaucoup lu dans la presse. La dernière fois que Télérama a fait sa couverture sur de la Japanime, le titre était "La Folie Manga: art ou japoniaiserie?" (semaine du 24 août 2002); cette semaine (numéro du 15 janvier), on y lit "Miyazaki: le maître du dessin animé". C'est en remarquant ce genre d'évolution qu'on se dit que notre vie a un sens.

Sauf que voilà: ce film ne m'a pas plu. Pour adopter le langage des jeunes, il part sérieusement en waïe sur la fin (après la visite chez le Roi). Le rythme s'accélère subitement, des personnages qu'on croyait importants sont relégués à de la figuration, les plans de narration s'empilent... Je me suis perdu dans le labyrinthe de Miyazaki, et ce n'est pas un compliment. Toute la dernière partie m'a complètement gâté l'histoire. Dans une des rarissimes interviews données pour la sortie du film (celle dans le Libé du 12 janvier), Hayao Miyazaki défend cette construction qu'il qualifie d'onirique, d'échevelée, comme un "manège qui tourne", pour reprendre ses mots. Pourquoi n'ai-je pas ressenti cette forme de narration dans Chihiro ou une autre de ses oeuvres? Quoique; attendez une petite minute. En fait, le studio Ghibli m'a déjà fait ce coup-là. Dans Laputa, après l'arrivée de Muska au royaume volant. Là aussi, je commençais à me demander pourquoi autant d'éléments étaient non pas révélés mais ajoutés à l'histoire si près de sa fin.
Notez le nombre d'occurences de la (ma) première personne dans les phrases précédentes. Vous savez déjà que les articles postés ici n'engagent que leur auteur, mais ça fait bizarre de ne pas rejoindre l'engouement général. Non pas que ça ne me soit pas déjà arrivé, bien au contraire, mais nous parlons aujourd'hui d'un Ghibli. Bon d'accord, tout le monde n'était pas d'accord sur Neko No Ongaeshi. Mais nous parlons aujourd'hui d'un Miyazaki, bordel! Télérama aurait pu manger ses propres couilles en salade avant d'encenser ce film par pur exotisme chic; leur rédaction a dû vraiment adorer pour en arriver à mettre sous cloche un lourd passé anti-anime et tartiner 10 (!) pages - ainsi que faire acte de révisionnisme au passage en portant Akira aux nues alors que le film était, côte à côte avec DBZ, une de leurs cibles favorites dix ans plus tôt. Une bonne tranche des trois pages et de l'interview de Libé sont consacrées à montrer l'importance de cette narration qui se veut délicieusement anarchique et à laquelle je reste froid. Ou tout simplement connement insensible; en tout cas, y'a pas mieux pour se sentir abruti et/ou incompétent. S'ensuivrait normalement le débat pour savoir si les rares qui n'ont pas apprécié le film "à sa juste valeur" ont raison ou pas; en tout cas, je mets davantage en doute mes capacités que celles d'Hayao Miyazaki. Si je ne suis pas arrivé à suivre le film, c'est tout simplement parce que j'ai encore beaucoup à apprendre. Faut positiver, je ne suis pas non plus complètement victime d'immaturité crasse: la preuve, je commence à comprendre ce qu'il y a d'affriolant dans les porte-jarretelles.

Y'a pas à dire, faut que je le regarde encore une fois.