06 avril 2005
Sakura Mail
(Petit rappel: après une intoxication au Nutella, j'avais proposé à Gael et Julien de faire un crossover entre nos deux sites. Eux ont écrit ce texte sur Viewtiful Joe 2, et évidemment, je me suis pas retenu et j'ai pondu un papier sur un anime avec de la fesse. Il y a même des captures faites maison pour illustrer l'article et respecter leur charte graphique, la classe.)
Par Raton-Laveur le 06 avril 2005, 22:15 - Japanime 5 commentaires
Pineapple Army
D'après mon encyclopédie du manga (faudra que je vous en parle un de ces jours, de ce beau livre), Pineapple Army ne fait même pas partie des titres les plus connus d'Urasawa. Cependant, ça fait un bon bout de temps qu'il est édité chez nous par Glénat - comprenez: en lecture occidentale et avec une traduction sans doute basée sur la version US. Les nombres qui vont bien: sorti en 1990, arrivé en France en 1998, un seul volume de presque 300 pages pour 10 histoires. Ca raconte l'histoire de Jed Goshi, un américano-japonais vétéran de la guerre du Vietnam (ouais, comme John Rambo) et qui s'est recyclé dans la formation au combat chez les civils fortunés. Il donne des cours à des gens qui tiennent à régler eux-mêmes leurs histoires, à des gardes du corps, ou à l'US Army qui loue parfois ses services et ce partout dans le monde. En tant qu'instructeur, Jed rappelle souvent qu'il ne doit pas s'investir dans les combats (mais il enfreint souvent cette règle!).
On tient donc un fier manga d'action, et on est pas déçu du voyage. Naoki Urasawa a déjà acquis son désormais célèbre trait vif qui met des émotions sur un visage en trois coups de crayon, et les décors vont de plaines enneigées à des ruines Mayas en passant par le métro new-yorkais sans que l'ensemble ne sonne faux. Le scénario est officiellement signé de Kazuya Kudo (konépa), mais on ne peut s'empêcher de voir ça et là la patte d'Urasawa. Comme pour le reste de ses oeuvres, on sent qu'il s'est documenté; je m'appelle pas wellgert non plus, mais à part quelques morceaux de bravoure purement manga (lance-roquettes dans la rame de métro, yeah!), le matériel et son utilisation semblent fidèles à la réalité. Jed Goshi est un peu le stéréotype du gars qui en a beaucoup vu dans sa carrière, côté clair de la force sans une tache, mais pas énervant pour autant. Il a évidemment des flashbacks de ses précédents champs de bataille, mais à la sauce nipponne. Je m'explique. Quand un américain a des réminiscences, il devient psychotique à la vue d'une lame de rasoir ou d'une tache de ketchup: résultat, il fout le bordel dans un commissariat ou fait exploser un fast-food. Quand un japonais entend un nom ou a besoin d'aide pour résoudre une énigme, il se souvient d'expériences passées qui lui seront utiles. Vous vous souvenez de cette série débile qui passait le soir, juste après la Bande à Picsou sur FR3 dans l'émission qui ne montrait que des trucs Disney? C'était un petit asiatique qui avait appris les arts martiaux de son grand-père et il était recueilli par un flic qu'il aidait dans ses enquêtes. Quand il séchait, il lui suffisait de fermer les yeux et de joindre ses mains avec les indexs en l'air, et son papy lui donnait un conseil genre "ne mets pas ta tête dans la cuvette des toilettes quand tu tires la chasse". Les épisodes se terminaient généralement dans un entrepôt où il faisait quelques mawashi geris au ralenti à des trafiquants de Carambars puis son pote policier leur passait les menottes. Wow, ça c'était de la télé. Jed Goshi, c'est pareil mais sans les idées débiles et la pose de méditation stupide, et ça donne: "Un croissant gravé sur la grenade?! Au Vietnam, j'ai entendu parler d'un vrai génie en explosifs. Tous les experts disaient qu'on ne pourrait pas faire sauter le pont de Songtong au-dessus de la rivière Moutai. Mais quand j'étais basé à Danang, on m'a raconté que le pont avait été détruit par un seul homme... Pat Cornelius!" C'est cliché à souhait, quasiment en hommage au cinéma de guerre.
C'est justement l'esprit de Pineapple Army, cette armée d'un seul homme qui aide les gens à tenir un flingue quand on a plus trop le choix. Vous vous souvenez quand j'avais parlé de Dômu (purée, l'article date de septembre 2002, ça nous rajeunit pas) de Katsuhiro Otomo, en le présentant comme un extrait du morceau de génie à venir que serait Akira? Pineapple Army est dans le même trip pour la carrière de Naoki Urasawa: on devine déjà la majorité de son talent, à tenir un équilibre jouissif entre le réalisme documenté et les extravagances mangas, à faire des visages "gentils" ou "méchants" sans chercher un design de midi à 14 heures pour que le lecteur s'y retrouve immédiatement, à faire des femmes avec un brushing impressionnant (mais bon, c'est aussi un peu la faute aux années 80), et surtout, à scotcher son lecteur sans aucun mal. Excellent.
Par Raton-Laveur le 06 avril 2005, 22:02 - Japanime 5 commentaires
04 avril 2005
Sing Yesterday For Me
Machin vient de finir ses études et vit d'un petit boulot, il est amoureux d'une gonzesse qui pense encore à un mec décédé, mais une fille un peu décalée débarque dans sa vie. "Triangle amoureux droit devant", me hurle le capitaine dans les oreilles, et il a raison. Et oui Igo, je sais qu'on voit une Mega Drive II dans le premier volume (plus tard, on voit un perso qui y joue en tenant... un pad SNES!). C'est donc la recette classique du gars qui ne sait pas ce qu'il veut, de la femme qui ne dit rien, et de celle qui fait un peu tapisserie. Du Katsura en plus âgé, diront les langues de putes; c'est en effet orienté vers les grands garçons, à la différence qu'il n'y a pas la moindre allusion au sexe. C'est un ordre des choses vieux comme le monde, il ne se passe strictement rien, les personnages évoluent à peine en trois volumes, et Akata tente de le vendre en mettant le doigt sur la culture "freeter", exhalée dans ce manga - sauf que cet élément est survolé. Au moins, les persos de SYFM ne sont pas caricaturaux, ont un peu de jugeotte et ne tombent pas dans le stéréotype de l'histoire d'amour éculée. D'autres visages arrivent par la suite, et ils ont plus tendance à me taper sur les nerfs qu'autre chose - ils ne font que brouiller l'ordre établi des pérégrinations amoureuses du "héros" en tapant dans la fourmilière... Un défaut qu'on tournerait volontiers en avantage du scénario.
Le trait de Kei Toume surprend par son caractère un peu brut, comme si la planche avait été travaillée directement à l'encrage sans passer par un crayonné. On voit des retouches, un côté un peu sale qui n'est pas commun dans le monde assez bien léché des mangas (dans le même tyle, pensez à l'Habitant de l'Infini/Mugen no Jyuunin d'Hiroaki Samura, c'est super connu et trouvable chez Sakka), et c'est donc assez agréable (faut aimer, hein). Les tramages sont eux aussi appliqués sans trop de chichis, les phylactères sont parfois un peu confus tellement leur queue est discrète. Hélas, tout le monde se ressemble beaucoup. Tout ceci est (dés)servi par une version française qui va droit au but; serait-on en train de voir les premières traductions qui ne prennent plus le lecteur pour un novice? Des mots bien nippons comme "Kampai" sont laissés tels quels et sans la moindre astérisque se référant à un bas de page, c'est pas commun! Une impression trop sombre qui fout en l'air les détails, ça par contre, c'est malheureusement moins rare. En tout cas, c'est bien quand on voit arriver des mangas tout à fait communs dans ce genre qu'on se dit que l'édition française a déjà importé tous les gros titres... Nous n'avons après tout droit qu'à une part de ce que les japonais subissent, et je dis bien ça dans le sens que la sélection faite par les éditeurs nous épargne de nombreuses et authentiques bouses. SYFM n'en est pas une, c'est juste une petite histoire commune qui rentre bien dans le cadre "manga passe-temps", zéro prise de tête pour le lecteur et max prise de tête par les pauvres personnages perdus dans les méandres de l'amour. Ne vous attendez pas à hurler au génie, mais au minimum, feuilletez le premier volume.
Par Raton-Laveur le 04 avril 2005, 23:01 - Japanime 9 commentaires
02 avril 2005
Misc
- Il ne fallait pas être un prix Nobel pour deviner que la PSP ne serait jamais sortie en Europe pendant l'été, et autrement dit un vide médiatique durant lequel les gens se font bronzer. Selon les rumeurs, comptez maintenant pour la rentrée; excellente période, puisque c'est dans ces eaux-là que la Xbox 2 devrait débarquer, ainsi que Zelda et le reste de la période de Noël.
- Dans une annonce pour le premier avril, Gmail annonce que l'espace alloué passe de 1 giga à "l'infinité + 1". Dans une autre annonce, on passe à 2 Gigas. Nous vivons dans un monde où il suffit de se baisser pour trouver une invitation à Gmail, mais si vous n'en avez pas encore, demandez et vous recevrez.
- Free a ses règles en ce moment, je sais.
- Jésus, c'est plus fort que toi. Sauf que "Hang Hon", connais pas.
- Sega, tu sais que je t'aime, tu sais que je serais prêt à me faire exploser avec une ceinture de TNT dans les quartiers généraux de Sony en hurlant "Sega vaincra" sur un simple claquement de doigts de ta part, tu sais que je t'ai pardonné pour Sonic Heroes, donc lis bien la phrase qui va suivre... Ton département marketing actuel est rempli de fils de putes.
Par Raton-Laveur le 02 avril 2005, 01:04 - Général 21 commentaires
30 mars 2005
Les iMacs veulent votre mort
Moralité: si vous voulez un Mac, ne cédez pas aux sirènes des oldies en pensant que ce petit bonhomme abandonné pourra vous rendre service. En-dessous d'OSX, pas de salut, et ce jusqu'à la prochaine version. On ne peut rien faire avec, si ce n'est jouer à Marathon ou imprimer quelques pages - même l'Internet le dépasse, un peu de flash et il pleure. Pas de iPod, le lecteur DVD est là pour faire joli (avec 400 Mhz, on bouge la souris pour accéder aux menus et ça rame), et inutile de penser au Divx. Tu m'étonnes que tous les Maceux revendent leur ordi pour passer à la nouvelle génération quand elle débarque...
Par Raton-Laveur le 30 mars 2005, 23:31 - Jeux vidéo 20 commentaires
28 mars 2005
Viewtiful Joe 2 - crossover avec Kanpai-Net.com

Pour conclure ma critique du premier opus de Viewtiful Joe, j’écrivais : « il y manque un mode pour deux voire quatre joueurs simultanément. Vous connaissez la maison : rendez-vous au volume deux ! ». Une prophétie pas vraiment miraculeuse, mais pour le moins réalisée. Viewtiful Joe 2 ressemble trait pour trait à son aîné, à ceci près qu’il accueille une « viewtiful » Sexy Sylvia.
Il singe tellement le premier épisode, d’ailleurs, que l’on jurerait parfois une version 1.5 ou un add-on (les 36 chambres en sont un bon exemple). Tous les rouages du jeu, ou presque, sont absolument identiques à l’opus précédent : même moteur graphique non amélioré, même gameplay à peine agrémenté de nouveaux mouvements. Les cinématiques, les ennemis classiques comme les boss sont, eux aussi, étonnamment similaires et n’oublient pas de looooongs bavardages.

La ressemblance est flagrante au point que les bugs d’affichage causés par les capes des personnages au cours des cinématiques n’ont même pas été corrigés. L’excellent Clover Studio a clairement torché ce second épisode en y intégrant seulement la belle Sylvia dans de nouveaux environnements (aux parcours peu inédits, pour ne pas déroger à la règle). À noter que sur la version testée, le jeu connaît des ralentissements qui, s’ils ne sont pas gênants, restent relativement fréquents.
Toutefois, et en dépit de tous ces reproches, VJ2 arbore toujours des qualités difficilement ébranlables : un sacré design, ce côté old-school définitivement charmant et le plaisir qu’il offre de jouer pour de vrai à la croix directionnelle, son scénario débile et le traditionnel sentai de fin, ou encore ses petites énigmes un peu tordues qui nécessitent de bien connaître les coups (et notamment les nouvelles possibilités offertes par Sylvia). Et puis le titre est toujours amusant, même s’il ne déclenche pas non plus l’hilarité.

Viewtiful Joe 2 ennuie mon verdict : il n’est vraiment pas assez original et a perdu en route tout l’effet de surprise, mais il est toujours aussi bon au point de faire passer des heures de jeu très agréables. Clover a finalement peut-être bien négocié le virage, en s’appuyant autant sur leur première création ; trop de changement aurait pu perturber le joueur. En l’occurrence, ils ne risquent pas de perdre qui que ce soit en route. Mais si troisième opus il y a, comme nous pouvons le supposer, de vraies évolutions sont à espérer.
De Gael : J’ai écrit cet article en témoignage de l’amitié que je voue à Sébastien / Raton et à son site. Lui-même nous a écrit un papier sur Sakura Tsûshin consultable à cette adresse, dans le cadre d’un cross-over qui s’inscrit également dans le cinquième anniversaire de Kanpai!. Longue vie à l’Éditotaku !
De Julien : Le petit cross-over ne pouvait être complet sans un petit mot de ma part. Je n'ai pas écrit l'article, mais qui sait, peut-être une autre fois. En attendant, je vous souhaite une bonne lecture. Et bonne continuation à Raton pour son site !
Par Raton-Laveur le 28 mars 2005, 02:22 - Jeux vidéo un commentaire
27 mars 2005
Allo
Mais ce pack de cartes sera diffusé de façon un peu spéciale: soit on en achète via le XboxLive, soit on attend la fin de l'été où elles seront rendues gratuites, soit... on va chez son Micromonio et on achète le disque (20$, attendez-vous à la même chose en zeuros). Il faut croire que la culture LanParty version Xbox est répandue au point que les marketeux de chez MS pensent que ce disque va bien se vendre. Ils rajoutent bien quelques gadgets, genre making of des cartes ou une side story sur Halo Delta, mais ça s'adresse uniquement à ceux qui passent leurs week-ends à déplacer leurs télés et à inviter les copains pour capturer du drapeau (ou à ceux qui font des vidéos rigolotes, mais c'est autre chose). Je sais que je me répète, mais il sont vraiment si nombreux qu'on en arrive à presser des disques rien que pour eux?!
Session IRC à 21 heures, ou 20 heures pour ceux qui n'ont pas encore fini de régler les horloges internes de toutes leurs consoles (n'oubliez pas la Saturn et la NeoGeo Pocket). Entrez un pseudo dans le menu à gauche si vous êtes vanille, ou tapez #editotaku@irc.worldnet.net si vous êtes plutôt chocolat; amenez vos copains, on chantera la Matsuken Samba (vidéo de 167 Mo, version 40 Mo, ou MP3 de 4,5 Mo). Olééé, olééé, viva samba, Matsuken Samba!
Par Raton-Laveur le 27 mars 2005, 20:44 - Jeux vidéo aucun commentaire
25 mars 2005
Burned out soul
Namco devait en avoir ras-le-bol des discussions sans fin autour des trois versions de SoulCal2.
SoulCalibur 3 est une exclu ps2. Non, pas ps3, j'ai bien mis ps2. Bon, on sait déjà ce qu' "exclusivité" veut dire dans les jeux vidéo (BioHazard, Splinter Cell, Metal Gear et tant d'autres ont fini par débarquer sur les autres consoles), mais qu'on ne s'étonne pas si les deux autres consoles se retrouvent avec une conversion au plus petit dénominateur commun.
Par Raton-Laveur le 25 mars 2005, 19:31 - Jeux vidéo 9 commentaires
23 mars 2005
Récits d'un vendeur de jeux vidéo
Tout a commencé après avoir eu mon bac; à ce moment-là, j'étais déjà un hardcore gamer et ma première action a été d'envoyer lettre de motivation et CV à Sega. Comme ça, sans expérience, pour leur dire que je voulais bosser chez eux, même pour passer le balai (quelque chose que j'adorerais faire, tiens: balayeur chez Sega -NDRL). A ce moment-là, la Saturn était sur les starting-blocks. Et croyez-le ou non, Sega m'a répondu! Pour me dire que mes compétences étaient insuffisantes pour bosser chez eux, mais qu'ils me prendraient bien pour devenir vendeur. Oui, vous avez bien lu: Sega, le développeur, (ex-)constructeur de consoles et éditeur, embauche des gens tout en bas de l'échelle! Dans quelles boutiques? Hé bien... dans les grandes surfaces et les gros magasins.
C'est une pratique méconnue des joueurs que vous êtes mais qui est bien réelle et toujours en vigueur: les fabricants de jeux vidéo ou de jouets ont des vendeurs bien à eux qui bossent dans les grosses enseignes. On appelle ça des "extras", ou plus communément, des "démonstrateurs". Ainsi, j'étais chez une grande surface spécialisée dans les jouets, mais habillé comme n'importe quel autre employé de la boîte: la transparence est plus ou moins forte selon les enseignes, mais l'idée est simple. A vos yeux, je ne suis qu'un salarié du magasin, alors qu'en vérité, je suis payé par Sega pour vous vendre des Saturns. Presque pas de comptes à rendre à la boîte, même pas à m'emmerder à remplir les stocks (les démonstrateurs n'ont pas accès à l'arrière-boutique), je passe la journée sur la surface de vente pour tenir mon discours de marchand de tapis. Et pour s'assurer que je tire pas au flanc, je suis payé à la commission, ce qui n'est pas le cas des employés classiques: si je vends rien, c'est la moitié du SMIC - une honte. Si j'envoie le bois, ça engrange: j'ai pu encaisser 17000 francs lors d'un mois de décembre. L'emploi est saisonnier: on est appelé pour les grosses périodes, genre Noël ou avant les vacances scolaires, pour une période allant jusqu'à un maximum de 2 mois, 3 ou 4 fois par an. Tout le monde trouve son compte dans le système des démonstrateurs: les clients sont abordés par des vendeurs qui connaissent le produit et sont prêts à tout pour qu'ils crachent au bassinet, le magasin booste son chiffre d'affaires sans avoir à embaucher plus d'employés, la marque sait qu'elle est bien représentée, et moi, ben j'encaisse.
Au fait, je vous ai pas raconté l'entretien d'embauche du magasin: surréaliste. Car même si c'est Sega qui me paie, l'enseigne a évidemment un droit de regard... Et celle où j'ai bossé est une entreprise qui a des magasins partout dans le monde - vous êtes tous déjà passés au moins une fois dans une de leurs surfaces. Bref, je leur fais une lettre ultra-motivée, genre je vais vous faire péter votre chiffre d'affaires et Sega va grimper au hit-parade des marques. En effet, ils ont un système de reconnaissance des marques, pour savoir qui se vend le mieux et a donc la meilleure exposition dans le magasin: les fabriquants savent ainsi où ils sont placés et ça ravive la guerre. Entre mon départ et mon arrivée, je suis pas peu fier de dire que Sega a grimpé de quelques dizaines de places - mais parlons de l'entretien. J'arrive dans une salle BLEUE. Murs, sol, plafond, toute bleue. En face de moi, un mec (le patron du magasin), une gonzesse (ce n'est que plus tard que j'ai appris qu'elle était psy) et une table pour seul meuble. Ils me disent "asseyez-vous". Très drôle. Je me pose avec une fesse sur la table, ils font pareil. Et pendant plus d'une heure et demie, avalanche de questions à tour de rôle: le boss a une feuille de papier avec une liste de questions sur les jeux vidéo, genre "quel est le héros de tel ou tel jeu" et "citez-moi 3 jeux de plate-formes". La femme pose les questions personnelles, genre "comment ça va avec la famille" ou "est-ce que vous dormez bien"; je m'attendais à des questions bien américaines, genre usage de drogues ou orientation sexuelle, mais rien de tout cela. Deux heures après être sorti de ce truc ultra-calculé, ils me téléphonaient pour me dire que j'étais engagé.
J'ai vécu comme ça pendant un an, puis je suis passé chez Sony. Pareil, lettre de motivation et CV, plus la bonne expérience acquise en vendant du hérisson bleu. Car il faut dire ce qui est: vendre des Saturns, c'était vraiment difficile avec sony et son rouleau-compresseur marketing. Les gens arrivent, demandent où sont les playstations, et moi je tente de toutes mes forces de les dissuader... Exemple? Un soir de 24 décembre, alors que le magasin fermait, un père de famille est venu mendier sa psx. Il n'y en avait plus en rayon, il en restait quelques-unes dans les stocks, mais hey, je le sais pas, hein? J'ai refourgué à ce pauvre type pour plus de 4900 balles de Sega: Saturn, manettes, jeux, et même la carte de décompression MPEG-1. Evidemment que le gosse voulait une playstation, ben le papa est reparti - ravi, c'est ça le pire - avec une Saturn. Moi, je suis sûr que le lendemain matin, le mioche il a dû faire la gueule et que le 25 décembre a été pourri. Raton est sûr du contraire, évidemment (après tout, on connait tous quelqu'un qui a eu une Master System au lieu d'une NES et qui s'en est pas forcément porté plus mal, au contraire - NDRL). J'imagine la gueule du gamin qui ouvre le papier en sachant qu'il y a une playstation dedans, et qu'il se retrouve nez à nez avec Virtua Fighter. Je ne suis pas du genre à avoir des états d'âme, mais 10 ans après, cette histoire me poursuit encore.
Sony m'a donc embauché pour faire la même chose, dans le même magasin. Sauf qu'ils m'ont envoyé faire leur formation à Bordeaux avant: un camp avec cahiers, jeux de rôles et règles de vente strictes. Par exemple: sony ne fait pas un rond sur les consoles, alors le client DOIT repartir avec deux jeux, une carte mémoire et une deuxième manette, sinon t'es une merde - on appelle ça la vente additionnelle. 4 minutes par client au maximum. J'ai encore leur carnet résumant les gros titres porteurs à refourguer absolument: Metal Gear Solid ou Tekken évidemment, mais à l'époque, ils pariaient tout sur Parappa the Rapper et Bust-A-Groove, voyant ça comme une révolution qui pousserait les filles vers les consoles. J'ai aussi reçu des jeux en version complète, parce qu'il faut connaître le produit pour bien le vendre. Mais sur le terrain, c'était mission accomplie d'avance: je faisais une jolie pyramide avec les boîtes playstation, les gens se servaient et repartaient contents. Il y avait d'autres démonstrateurs de chez Sega et Nintendo, mais ils ne m'ont jamais cherché des noises: peut-être qu'ils partaient perdants. Ah, vous devez déjà comprendre quelque chose: sur le même terrain de chasse du rayon jeux vidéo d'un même magasin, trois vendeurs payés par trois marques pour vendre trois produits à un seul type de client? L'ambiance est pourrie, oui. Le gars a fini sa vente et s'absente pour aller chercher une console? Bonjour monsieur, vous seriez intéressé par une playstation? La tête de gondole Nintendo remplacée sans explication par une grosse pile de playstations pendant que le gars regarde ailleurs? Guetter la pause café des autres démonstrateurs pour leur piquer leurs clients? Ca faisait partie de mon quotidien. Une fois, il y a eu un extra de chez Nikko qui faisait passer ses voitures téléguidées devant les N64 pour pêcher les gosses: le mioche avance vers Mario et hop, une grosse tuture à piles qui lui passe sous les yeux, maman je veux la voiture. Il a fait ça toute une semaine, le ton est monté avec le démonstrateur Nintendo, et un matin, ils se sont carrément battus sur le parking. Du jour au lendemain, on a plus vu passer une seule voiture dans notre rayon.
Evidemment, quand on bosse dans la grande surface mondiale du jouet, on voit pas passer beaucoup de gamers: le gros de la clientèle, je ne vous apprends rien, c'est la famille. L'anecdote la plus croustillante reste "la playstation noire". A l'époque, la photo officielle de la console montrait la bête sous une lumière très tamisée, donnant l'impression que le gris pourri était d'un noir fumé. Ainsi, une mère de famille est arrivée en demandant la console en couleur noire. Désolé madame, ça n'existe pas (non les gars, la Net Yaroze n'était pas encore sortie!). Et elle se met à faire un scandale, persuadée que par je ne sais quelle conspiration, on garde les noires pour les bons clients, ou qu'on lui cache quelque chose, je veux voir le responsable. Responsable qui arrive et qui répète que s'il y en a un qui s'y connait, c'est moi. Fin mot de l'histoire: elle est repartie avec une console grise, comme tout le monde, mais sûre qu'on se foutait d'elle et que les consoles noires existaient.
Pendant deux ans donc, j'ai vendu de la console grise. Puis j'en ai eu marre: à 4 minutes pour chaque client ignorant, il était absolument impossible de faire passer mon amour du jeu vidéo. La vente à la chaîne ne me réussissait plus, et j'ai rendu mon tablier. Après un BTS en communication obtenu de justesse par correspondance et 10 mois de service militaire, il était temps de passer à de vrais magasins de jeux vidéo... La suite au prochain numéro!
Par Raton-Laveur le 23 mars 2005, 11:47 - Jeux vidéo 31 commentaires
22 mars 2005
Joyeux Anniversaire Kanpai!
Bravo les gars! Je vous souhaite de finir tous deux écrasés par un 30 tonnes en traversant la rue, parce qu'avec une concurrence pareille dans le journalisme amateur JV/anime français, c'est pas comme ça que j'écrirai un jour dans Edge ou NewType!
Par Raton-Laveur le 22 mars 2005, 18:42 - Général un commentaire
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