Voilà que j'ai passé ce que je crois être 10 heures sur Killer7 (et qui ne doit probablement être en réalité que deux fois moins de temps), et je n'arrive toujours pas à me faire le moindre commencement de début d'ébauche d'avis sur ce foutu jeu. Est-ce que c'est un subtil mélange d'action et d'aventure avec un style graphique parfaitement léché, ou est-ce un tas foireux d'énigmes à la simplicité insultante enveloppées dans un système de combat si nerveux qu'il en devient vite frustrant ?

Cependant, une chose est sûre : ce n'est pas un jeu qui veut se faire aimer. Ca part des révélations sur l'histoire qui sont carrément collées sur la jaquette, ça continue avec un gameplay totalement cryptique accompagné d'un tutorial si inutile qu'on apprend plus vite en tripotant les boutons au hasard - et ça n'arrête pas avec une relation sado-maso entre le narrateur-scénariste et le joueur-acteur, l'un tenant absolument à paumer suffisamment l'autre pour que sa tête explose littéralement sous l'effort d'appréhension. Killer7 ne s'en cache même pas, un des personnages principaux étant carrément un gimp. Vous vous souvenez de Serial Experiments Lain ou des mangas de Tsutomu Nihei ? Ben c'est pareil, mais presque en pire.
Alors que de nos jours, tous les éditeurs mettent un point d'honneur à ne surtout pas froisser le joueur en l'arrosant de nouveaux costumes et scans pourris de concept-arts parce qu'il est arrivé à faire ses lacets, j'ai l'impression que Capcom ne demande pas à ses développeurs de faire des jeux pour tous. Namco sort les jeux de course les plus faciles au monde, Konami ne touche à PES que par de minuscules retouches pour ne pas déranger le public "shevchenko fé tjr oci mal jvé le reprendre a pes le batard lol", mais Capcom nous sort des Viewtiful Joe, du Steel Battalion et du Killer7. Des projets pas trop rentables, passe encore ; ils financent ça avec l'argent de la Fondation Megaman pour le Recyclage des Licences Jusqu'à Plus Soif. Mais leur manque total de considération pour le joueur, leur soif de die and retry, leur gameplay perfectionniste (pour les développeurs et pour les joueurs) mais qui semble avoir été écrit dans les années 80 ? Au XXIème siècle, quel producteur mentalement sain accepterait encore pareil outrage au sacro-saint Grand Public, vers lequel le jeu vidéo doit maintenant tendre sans faillir ?
Killer7 ne veut pas se faire aimer. La première mission, celle censée vous apprendre à jouer, est un modèle de frustration vidéoludique qui vous fera soupirer jusqu'à la dernière balle tirée sur le boss du niveau. Les concepts de base, comme l'utilisation du sang ou de la chambre, ne sont compréhensibles qu'après un sacré moment, assez long pour envoyer promener ce bordel et poser la boîte sur une étagère d'où elle ne descendra plus jamais. Et pourtant, l'histoire est là, avec ses personnages mystérieux et ses élements distillés au compte-gouttes. Mais d'une manière si volontairement absconse qu'on pourrait crier à l'élitisme niais et irrévérencieux, comme ces gens qui font caca sur une toile avant de se moquer de ceux qui crieront à l'art devant leur tableau. Ce que Mamoru Oshii a probablement fait en filmant Avalon, mais c'est un autre sujet. Killer7 se fout peut-être de nous, mais il a de la gueule. Il est énervant, mais il est captivant. Cornélien. Je continue.



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