Un Monde Formidable
Le cinéma français a ceci de curieux qu'il n'a ni queue ni tête. Il y a des films entiers où il ne se passe strictement rien et où le générique de fin défile au moment où on s'y attend le moins. Quand on se retrouve avec un long-métrage de fromage-qui-pue avec une conclusion ou un fil conducteur autre qu'une rencontre fortuite sur le bord de la route, on dit qu'il est américanisé, ou pire, qu'il prend le spectateur pour un idiot. C'est pour ça que j'adore les films français avec une vraie fin : ils sont toujours surprenants simplement parce qu'ils en ont une, même si cette dernière est prévisible à mort. Regardez Entre ses Mains, vous verrez de quoi je parle.
La bédé française ne semble plus pouvoir s'offrir le luxe du non-dit et du vide narratif. Non seulement au prix des albums, mais aussi au vu du marché actuel... Anecdote : un gars que je connais avait pris rendez-vous aux éditions du Lombard à Paris pour présenter un projet. Il se pointe avec son carton à dessin à l'entrée de l'immeuble, partagé avec Dupuis et Dargaud. Il entre, hésite, ressort, vérifie l'adresse. Entre à nouveau, demande à la standardiste, coincée entre d'énormes silhouettes de Naruto et autres mangas à succès, une petite affiche de Spirou au Japon, et euh, il devait y avoir une référence aux éditions du Lombard dans un coin de l'accueil. Métaphore du bizness actuel s'il en est.
La bédé japonaise peut tout se permettre, et les éditeurs qui la traduisent peuvent également s'en donner à coeur joie. Un Monde Formidable va dans ce sens : de la tranche de vie, encore de la tranche de vie, et pour faire un sandwich entre les deux tranches de vie, encore une tranche de vie. C'est pas d'un ton triste, mais ça ne va franchement pas vous faire sauter de joie : des gamins qui parlent à des dieux de la mort (oué oué, c'est shinigami en japonais, on sait), des jeunes qui galèrent, des adultes qui ne savent pas quoi faire de leur vie... Ca voyage un peu dans le temps avec des persos qui gagnent dix ans d'un coup, la narration est assez anarchique (ou post-moderne, c'est comme vous le sentez), et ce n'est qu'à la fin du deuxième et dernier tome que tout ce beau monde finit par se rencontrer. Il ne faut pas chercher de message particulier en dehors des poncifs japonais habituels (la vie te file entre les doigts alors bouge-toi le cul, sois heureux, etc), et plus généralement, il ne faut pas chercher grand chose en achetant ces deux livres. Exactement comme pour tous les autres machins à tranches de vie, cinéma français compris.
Même l'éditeur (Kana, collection Madein) ne sait pas comment vendre le bousin. Les tomes se terminent sur une page expliquant une facette de la société nipponne survolée dans l'oeuvre (les étudiants rônins ou les brimades scolaires). Après la publication d'Un Monde Formidable, Kana vient de sortir un one-shot du même auteur, Inio Asano. Le site de l'éditeur français présente le bonhomme comme continuant à "dresser un portrait très noir de la société" nipponne. Mouais. Il y a du conte de fées un peu sombre dans le ton de l'auteur, c'est pas happy-happy-joy-joy, mais on n'est pas non plus dans le massacre sociologico-culturel à la Imbéciles Heureux. Le trait d'Inio Asano n'a rien de détaillé et les gens n'y sont jamais beaux, ce qui est parfaitement dans le ton des scénarios. Ces derniers sont bien écrits, on peut relire les deux volumes en boucle pour réaliser les variantes et comprendre quelques détails... Comme le cinoche français, je vous dis ; il s'y passe presque quelque chose. A réserver aux fans des films de Jaoui, Berri et compagnie.
La bédé française ne semble plus pouvoir s'offrir le luxe du non-dit et du vide narratif. Non seulement au prix des albums, mais aussi au vu du marché actuel... Anecdote : un gars que je connais avait pris rendez-vous aux éditions du Lombard à Paris pour présenter un projet. Il se pointe avec son carton à dessin à l'entrée de l'immeuble, partagé avec Dupuis et Dargaud. Il entre, hésite, ressort, vérifie l'adresse. Entre à nouveau, demande à la standardiste, coincée entre d'énormes silhouettes de Naruto et autres mangas à succès, une petite affiche de Spirou au Japon, et euh, il devait y avoir une référence aux éditions du Lombard dans un coin de l'accueil. Métaphore du bizness actuel s'il en est.
La bédé japonaise peut tout se permettre, et les éditeurs qui la traduisent peuvent également s'en donner à coeur joie. Un Monde Formidable va dans ce sens : de la tranche de vie, encore de la tranche de vie, et pour faire un sandwich entre les deux tranches de vie, encore une tranche de vie. C'est pas d'un ton triste, mais ça ne va franchement pas vous faire sauter de joie : des gamins qui parlent à des dieux de la mort (oué oué, c'est shinigami en japonais, on sait), des jeunes qui galèrent, des adultes qui ne savent pas quoi faire de leur vie... Ca voyage un peu dans le temps avec des persos qui gagnent dix ans d'un coup, la narration est assez anarchique (ou post-moderne, c'est comme vous le sentez), et ce n'est qu'à la fin du deuxième et dernier tome que tout ce beau monde finit par se rencontrer. Il ne faut pas chercher de message particulier en dehors des poncifs japonais habituels (la vie te file entre les doigts alors bouge-toi le cul, sois heureux, etc), et plus généralement, il ne faut pas chercher grand chose en achetant ces deux livres. Exactement comme pour tous les autres machins à tranches de vie, cinéma français compris.
Même l'éditeur (Kana, collection Madein) ne sait pas comment vendre le bousin. Les tomes se terminent sur une page expliquant une facette de la société nipponne survolée dans l'oeuvre (les étudiants rônins ou les brimades scolaires). Après la publication d'Un Monde Formidable, Kana vient de sortir un one-shot du même auteur, Inio Asano. Le site de l'éditeur français présente le bonhomme comme continuant à "dresser un portrait très noir de la société" nipponne. Mouais. Il y a du conte de fées un peu sombre dans le ton de l'auteur, c'est pas happy-happy-joy-joy, mais on n'est pas non plus dans le massacre sociologico-culturel à la Imbéciles Heureux. Le trait d'Inio Asano n'a rien de détaillé et les gens n'y sont jamais beaux, ce qui est parfaitement dans le ton des scénarios. Ces derniers sont bien écrits, on peut relire les deux volumes en boucle pour réaliser les variantes et comprendre quelques détails... Comme le cinoche français, je vous dis ; il s'y passe presque quelque chose. A réserver aux fans des films de Jaoui, Berri et compagnie.
Par Raton-Laveur le 18 avril 2007, 23:43 - Japanime - Lien permanent
Commentaires
Que je me retienne de faire une rant sur les fléaux de l'acculturation et la mort créative imminente de la BD.
hein? (je sais , je post un peu tard
http://www.youtube.com/watc...
je visais pas plus haut ...