Après avoir parlé du premier épisode (au fait, des infos sur la version européenne censurée ont été ajoutées), hop, voilà la suite. Je vous le dis tout de suite: si vous êtes pressé par le temps, SH2 est comme le premier un jeu de choix. Et quand je dis "pressé par le temps", c'est pas pour ceux qui ont la flemme de tout lire, mais aussi ceux qui veulent un jeu rapide à finir: 6 heures en prenant son temps. Dispo sur ps2, Xbox et PC, entre 10 et 20€ en occase; la version sony PAL a un DVD du making-of, la Xbox et le PC ont un sous-scénario en plus et quelques gadgets ("Director's Cut").

Les articles de cette page sont parfois écrits d'un ton énigmatique: il est rare que je raconte le scénario d'un anime ou d'un jeu vidéo. Terrorisé à l'idée de gâcher le plaisir de la découverte? Ouais. Si on parle d'une bouse, on se fait pas prier pour conter l'histoire en détail, puisque 1) si vous me suivez, ça ne sert à rien d'entrer en contact avec la chose et 2) il faut bien argumenter ses propos auprès des fans qui attendent au virage. Si on parle d'un truc cool, autant garder la surprise de la découverte tout en sachant qu'on va passer un bon moment. Tout ça pour dire que Silent Hill va être abordé plus précisément ici; pas de "spoiler", mais bon, autant le dire. Si vous avez suivi mon conseil, vous avez déjà joué au premier épisode, et sinon, c'est que vous vous en tapez un peu. En avant pour Silent Hill 2.

Ca commence comme un scénario déjà vu de roman d'horreur américain: une influence qui a d'ailleurs marqué tout le jeu psone. Un pauvre type reçoit un courrier de sa femme morte depuis un moment, l'invitant à la rejoindre dans le bled de Silent Hill; et vous imaginez qu'une histoire d'amour dans un lieu pareil, c'est loin d'être joyeux. Le graphisme du premier opus, tout en 3D, tirait sur la console grise et était sensiblement plus moche que les autres jeux de l'époque. Ca donnait un air crade qui accentuait l'univers glauque. Sorti fin 2001 peu avant MGS2, Silent Hill 2 était dans le début de la deuxième génération de jeux ps2: pas moche, pas beau comme un dieu non plus, mais tirant avantage de la bécane. On redécouvre donc la ville dévorée par ses démons du passé, comme j'en suis arrivé à la surnommer; en tout cas, il ne neige plus. Pour tenter de redonner une teinte sale à l'image, un bidouillage des auteurs: un pauvre filtre pourri est ajouté sur l'image - et retirable dans les options après avoir fini le jeu.
Cet épisode joue sur une façon différente de distiller la peur. Dans le premier opus, le joueur perdait sans cesse ses repères, les lieux changeaient, peut-être que le perso était en train de péter un boulard. Maintenant, les personnages secondaires prévalent: ils ne sont plus conspirateurs, mais sont tout autant largués que le héros. Eux aussi ont été "appelés" et errent dans ce bled paumé, sauf qu'en prime, ils sont sacrément agités du bocal. Le scénario envoie rapidement aux orties la quête d'une femme présumée morte pour un jeu de piste classique: machin me dit de suivre truc, on trouve une carte griffonnée sur les lieux, suivons-là et tant pis si ça n'a rien à voir avec le but du jeu. Les énigmes sont fidèles au premier: parfois tordues au-delà du raisonnable. Quant aux zombies, pareil qu'avant: des empêcheurs de progresser rapidement, pas plus agressifs qu'un caniche nain. Le monstre principal, surnommé "Homme-Pyramide" par le héros, apparaît pour les deux premières fois dans des cinématiques où il viole (*) d'autres démons! Vous voyez où je veux en venir: cette fois, la mayonnaise ne prend pas.

Silent Hill 2 ne m'a pas fait peur une seule fois. Pas un sursaut, pas un malaise, rien: seul le sous-scénario du director's cut, finissable en moins d'une demi-heure, m'a fait un peu d'effet! Mais en plus, les défauts du premier sont accentués: on retrouve ces portes qui se déverrouillent comme par magie, ces chemins ouverts qui étaient barricadés 30 secondes plus tôt, et l'afflux de personnages amène à les rencontrer dans des lieux dont seul le héros avait la clé! Les monstres sont très ressemblants à ceux de l'épisode précédent, les armes et objets sont les mêmes... Et on retrouve cet acharnement à vouloir raconter une histoire au joueur, qui devient plus passif qu'autre chose. On aurait pu vivre le même scénario dans un film et peut-être que ça aurait fait plus d'effet; on aurait juste perdu les différentes fins. Encore une réflexion sur la narration dans les jeux vidéo: le joueur progresse à son rythme dans un chemin bien défini, comme s'il avait la télécommande pour accélérer les images ou ralentir l'action pour s'attarder sur de menus détails. Au fond, est-ce que ce n'est pas une solution de facilité de la part des auteurs, comme pour rejeter la faute si on trouve le jeu trop mou?
Le premier Silent Hill avait 5 fins: il y en avait en fait deux (happy end, bad end) avec une même variante chacune, plus un Easter Egg. Elles étaient décidées par des évènements-qu'il-fallait-vraiment-les-savoir-qu'on-trouve-pas-tout-seul-quoi. SH2 a trois fins "normales", plus une "spéciale" et un Easter Egg (les versions PC et Xbox ont une sixième fin qui est aussi un morceau de déconne). Décidées par des évènements bien plus transparents, dépendant vraiment de la manière dont vous jouez. Sauf qu'aucune ne m'a vraiment convaincu: à scénario convenu, fins convenues.
En bref, Silent Hill 2 est autant une déception que le premier avait été une agréable surprise - si l'on peut dire "agréable" ^^. Suite sortie au forceps après le succès du premier, qui sait. Aventure sans rapport avec le premier opus à l'exception de rarissimes références, défauts toujours apparents, graphisme trop léché, régime dirigistocratique, histoire étirée comme un string pour justifier une durée de vie minimale, et surtout, pas effrayant pour un sou.

Ca ne m'empêchera pas de me faire Silent Hill 3. Je me le farcis et on en reparle.



(*) Et j'entends bien "violer" dans le sens sexuel du terme: dans un jeu vidéo, on a rarement vu aussi cru. C'est d'autant plus étonnant qu'une scène de suicide dans le même jeu est uniquement entendue (l'écran restant noir) parce qu'il est impossible de dépeindre cela plus précisément sur une console sony (dixit l'auteur du guide de stratégie, qui a séparément écrit une analyse du scénario). Les voies de sony sont impénétrables, comme dirait l'autre.

Article sur Silent Hill 3