Tajikarao
Manga en 4 tomes, publié chez Delcourt et trouvable dans un coffret simple mais sexy.
Mon copain Blacksad, c'est un accro à la bédé franco-belge. Alors il lit des magazines de pré-publication comme Pavillon Rouge, édité par Delcourt. Ou plutôt "lisait", parce que Pavillon Rouge n'est plus depuis quelques temps, et parce que je lui ai injecté de fortes doses de mangas et d'animes. Bon, peut-être que commencer par du Satoshi Urushihara n'était pas une bonne idée, mais comme la contamination a réussi, on va pas se plaindre non plus. Sauf que le gène de la BD, même s'il a la vie dure, est diablement résistant. La preuve: le patient achète des mangas, mais il a l'intention d'acheter tout ce que Delcourt édite en la matière - comportement flippant, non? La collection mangas de Delcourt étant Akata, vous savez aussi bien que moi qu'ils font du boulot de qualité.A la toute fin de Tajikarao, leur équipe a inséré un petit mot (en français et en japonais) remerciant les auteurs de cette oeuvre en leur nom et celui des lecteurs pour "leur sincérité et par conséquent, ce que [celle-ci] a provoqué dans leurs coeurs". Je sais pas pour vous, mais c'est la première fois que je vois ça. Dommage cependant que les quatrièmes de couverture soient fourrés de révélations sur ce qui se passe dans chacun des volumes qu'ils recouvrent...
Synopsis: un village paumé au fin fond du Japon qui vit en perpétuant un culte pour le dieu du coin, un de ses anciens habitants qui revient avec les yakuzas aux fesses, et deux jeunes voyageurs qui se perdent dans le coin. Oui, ça va pas trop parler de petits z'ozieaux-piou-piou et de jolies abeilles beez-beez. L'histoire est le condensé d'un des grands dilemmes du Japon, pays où le passé traditionnel et le présent plus que futuriste se téléscopent. Comment atténuer ce choc des générations et ses répercussions sur les plans sociologique, écologique, politique, et tout un tas d'autres mots sérieux en -ique? Pas en se contentant de faire des jeux vidéo avec des ninjas en tout cas, mais ça ils le savent déjà. Les conséquences sont racontées avec un côté assez terre-à-terre - les villageois, tous vieux, ont bien conscience qu'ils sont voués à disparaître, eux et leurs coutumes - et les yakuzas, méchants de service de mèche avec les politiciens mais aussi un soupçon d'honneur, sont tout aussi bruts. En guise de figuration, les thèmes de la guerre, de la famille ou de l'amour sont aussi abordés. Tajikarao pesant 4 tomes, il n'y a pas de temps mort, chaque chapitre vaut son pesant de cacahouètes et le dessin est très soigné (surtout les postures et les proportions des personnages). Cependant, l'histoire trouve le moyen de rajouter un côté fantastique avec les apparitions du dieu, le fameux Tajikarao; son intrusion dans un monde sinon très réaliste donne à ce manga l'indéniable statut d'un conte. Il représente le dernier espoir des habitants contre l'intrusion d'un monde moderne qui veut leur mort, le dernier effort forcément violent et enragé puisant au plus profond de leur tradition. Formulé autrement, un des personnages raconte que Tajikarao n'a été appelé que 3 fois en 1000 ans et a à l'une de ces occasions mis en pièces quelques 800 samouraïs, alors faut pas le faire chier. Le scénario est plaisant mais la happy end a de fortes odeurs de contes de fées; sûrement pour donner espoir au lecteur, quoi qu'il en coûte, et afin de respecter la trame d'une légende.
Delcourt a même pris le soin de compiler (à la fin du volume 3) les encarts écrits par les auteurs lors de la prépublication, où ces derniers mettent en lumière leurs recherches. Ils parlent des voyages qu'ils ont fait dans les coins reculés du Japon pour trouver des villages avec leurs rites et leurs déités bien à eux, des hésitations du jeune dessinateur (Kanji Yoshikai) face à son scénariste expérimenté (Jimpachi Mori, auteur de N.Y. No Benkei, qui avait pour héros un tueur à gages)... Mais finalement, le trait est vraiment classique - en tout cas, il me semble diablement années 80. Vous voyez Stratège? Ben c'est dans le même genre: visages ronds, arrière-plans très présents, tramages contrastés. Etrangement, ce n'est pas le style utilisé dans les couleurs sur les couvertures pour autant (quoique!). Et personnellement, je trouve un je-ne-sais-quoi de froid à ce dessin: il m'écarte des personnages et de leurs émotions plus qu'il ne m'en rapproche. En tout cas, il s'agit du manga typiquement impossible à adapter en anime. Dans l'ensemble, Tajikarao est donc un bon manga qui a l'intelligence de ne pas traîner en longueur pour nous conter sa fable: traditionnel dans son histoire et sa construction, il est à clairement réserver aux plus âgés. Et pas "plus âgés" dans le sens de "plus expérimentés"; au contraire, les gens qui s'y connaissent peu en mangas et ont passé un bon moment avec Jirô Taniguchi (une des fiertés de Casterman en France, avec Le Journal de Mon Père et surtout Quartier Lointain) devraient adorer Tajikarao.
Mon copain Blacksad, c'est un accro à la bédé franco-belge. Alors il lit des magazines de pré-publication comme Pavillon Rouge, édité par Delcourt. Ou plutôt "lisait", parce que Pavillon Rouge n'est plus depuis quelques temps, et parce que je lui ai injecté de fortes doses de mangas et d'animes. Bon, peut-être que commencer par du Satoshi Urushihara n'était pas une bonne idée, mais comme la contamination a réussi, on va pas se plaindre non plus. Sauf que le gène de la BD, même s'il a la vie dure, est diablement résistant. La preuve: le patient achète des mangas, mais il a l'intention d'acheter tout ce que Delcourt édite en la matière - comportement flippant, non? La collection mangas de Delcourt étant Akata, vous savez aussi bien que moi qu'ils font du boulot de qualité.A la toute fin de Tajikarao, leur équipe a inséré un petit mot (en français et en japonais) remerciant les auteurs de cette oeuvre en leur nom et celui des lecteurs pour "leur sincérité et par conséquent, ce que [celle-ci] a provoqué dans leurs coeurs". Je sais pas pour vous, mais c'est la première fois que je vois ça. Dommage cependant que les quatrièmes de couverture soient fourrés de révélations sur ce qui se passe dans chacun des volumes qu'ils recouvrent...
Synopsis: un village paumé au fin fond du Japon qui vit en perpétuant un culte pour le dieu du coin, un de ses anciens habitants qui revient avec les yakuzas aux fesses, et deux jeunes voyageurs qui se perdent dans le coin. Oui, ça va pas trop parler de petits z'ozieaux-piou-piou et de jolies abeilles beez-beez. L'histoire est le condensé d'un des grands dilemmes du Japon, pays où le passé traditionnel et le présent plus que futuriste se téléscopent. Comment atténuer ce choc des générations et ses répercussions sur les plans sociologique, écologique, politique, et tout un tas d'autres mots sérieux en -ique? Pas en se contentant de faire des jeux vidéo avec des ninjas en tout cas, mais ça ils le savent déjà. Les conséquences sont racontées avec un côté assez terre-à-terre - les villageois, tous vieux, ont bien conscience qu'ils sont voués à disparaître, eux et leurs coutumes - et les yakuzas, méchants de service de mèche avec les politiciens mais aussi un soupçon d'honneur, sont tout aussi bruts. En guise de figuration, les thèmes de la guerre, de la famille ou de l'amour sont aussi abordés. Tajikarao pesant 4 tomes, il n'y a pas de temps mort, chaque chapitre vaut son pesant de cacahouètes et le dessin est très soigné (surtout les postures et les proportions des personnages). Cependant, l'histoire trouve le moyen de rajouter un côté fantastique avec les apparitions du dieu, le fameux Tajikarao; son intrusion dans un monde sinon très réaliste donne à ce manga l'indéniable statut d'un conte. Il représente le dernier espoir des habitants contre l'intrusion d'un monde moderne qui veut leur mort, le dernier effort forcément violent et enragé puisant au plus profond de leur tradition. Formulé autrement, un des personnages raconte que Tajikarao n'a été appelé que 3 fois en 1000 ans et a à l'une de ces occasions mis en pièces quelques 800 samouraïs, alors faut pas le faire chier. Le scénario est plaisant mais la happy end a de fortes odeurs de contes de fées; sûrement pour donner espoir au lecteur, quoi qu'il en coûte, et afin de respecter la trame d'une légende.
Delcourt a même pris le soin de compiler (à la fin du volume 3) les encarts écrits par les auteurs lors de la prépublication, où ces derniers mettent en lumière leurs recherches. Ils parlent des voyages qu'ils ont fait dans les coins reculés du Japon pour trouver des villages avec leurs rites et leurs déités bien à eux, des hésitations du jeune dessinateur (Kanji Yoshikai) face à son scénariste expérimenté (Jimpachi Mori, auteur de N.Y. No Benkei, qui avait pour héros un tueur à gages)... Mais finalement, le trait est vraiment classique - en tout cas, il me semble diablement années 80. Vous voyez Stratège? Ben c'est dans le même genre: visages ronds, arrière-plans très présents, tramages contrastés. Etrangement, ce n'est pas le style utilisé dans les couleurs sur les couvertures pour autant (quoique!). Et personnellement, je trouve un je-ne-sais-quoi de froid à ce dessin: il m'écarte des personnages et de leurs émotions plus qu'il ne m'en rapproche. En tout cas, il s'agit du manga typiquement impossible à adapter en anime. Dans l'ensemble, Tajikarao est donc un bon manga qui a l'intelligence de ne pas traîner en longueur pour nous conter sa fable: traditionnel dans son histoire et sa construction, il est à clairement réserver aux plus âgés. Et pas "plus âgés" dans le sens de "plus expérimentés"; au contraire, les gens qui s'y connaissent peu en mangas et ont passé un bon moment avec Jirô Taniguchi (une des fiertés de Casterman en France, avec Le Journal de Mon Père et surtout Quartier Lointain) devraient adorer Tajikarao.
Par Raton-Laveur le 09 janvier 2005, 20:40 - Japanime - Lien permanent
Commentaires
Kano sortiras en relié XD ! Bonne nouvelle pour moi perso le relié tonkam je crache pas dessus XD
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