Par Aer
Retour en 2002.
Fort de l’acquisition d’une grosse console noirâtre, les recherches s’orientent vers ce nouveau monde remplis de 32 bits, de polygones, de dévédé et tutti quanti. D’un naturel plutôt lourdaud (d’aucun diront bourrin), l’accroche de jeux stupides comme la série des Dynasty Warriors, qui est pour le jeu vidéo ce qu’est Ed Wood pour le cinéma, me parle fatalement.
Au grès des recherches, il arrive qu’un jeu tombe comme ça, au travers d’un filet appelé « news » : la prochaine création estampillé Square-Enix serait proche d’un Dynasty suscité.
WTF ? Les japonais qui cherchent à pondre des jeux « réfléchis » ? Un truc bourrin ? Rassurez-vous, Square ne sera qu’éditeur sur cette série. Pas envie d’être trop associé à ça ? Développeurs n’ayant plus gout à rien après FF10 ? Le mystère reste entier. La boite incriminée sera donc Cavia. Comme vous pouvez le voir, ils ont fait pas mal de merdes. A l’époque la boite est jeune, ce jeu sera leur quatrième produit, ils en ont dans le pantalon quoi.
Drag-On Dragoon, Drakengard en français, sortira en Septembre 2003 au Japon et en Mai 2004 par nos vertes contrées (oui parce qu’au Japon, ça fait longtemps que l’ile est entièrement bétonnée). Le combo Grosse Baston + Dragon m’interpellant, je me renseigne avidement sur le jeu, compulsant frénétiquement les news, attendant impatiemment les premières critiques, histoire de voir. Et la, c’est le drame : jeu mal fini, scénario brouillon, réalisation technique à chier (entre autre le clipping et la « brume magique qui fais rien voir à trois mètre »), répétitivité vraiment mal venue, bref, une daube comme on en fait plus.
Mais quand même, un dragon quoi, je n’avais pas fait ça depuis Panzer Dragoon sur Saturn. Allez hop, direction l’occase, je dégotte le jeu pour 10 pauvres euros.
Lancement, chargement, logos. On enchaine directement sur une vidéo d’intro. Un bijou bizarroïde à trois visages (emblème très important par la suite ceci dit) tournoie gentiment pendant que des inscriptions rouge sang disparaissent dans des flammes. Ca fait sacrément kitsch. Musique style sous Carmina Burana, là on se pose des questions. Au bout d’une minute, la cg débarque, et bon forcément, Square-Enix quoi. Présentation de quelques persos munis de leurs pokémons, guerre, guerre, dragon, guerre. Miam. Ah tiens, le héros vient de foutre une branlée à quelques ennemis et il a un sourire carnassier. Chouette, ça nous changera.
Bon, press start, rapide tour aux options, new game.
Facile ? Ok.
Normal ? Ok.
Rien d’autre ?
Un jeu sortit en 2003-2004 sur play2 qui se paye le luxe de ne pas avoir de mode difficile ?
Qu’a cela ne tienne, on jouera en normal.
Un quart d’heure plus tard, reset de la console, on jouera en facile en faite. Lancer le normal à ce jeu en première partie serait comme débuter en nightmare à Doom, voir Texhnolyze à l’envers, ou passer ces vacances en Sibérie Orientale. Ca se fait, mais ce n’est pas la meilleure idée du monde.
Reprenons, on débarque donc. Choix des armes, y’en a qu’une pour le moment, pas dur. Choix du dragon ? Nada. Choix du perso ? Idem. Okay, on va jouer le gros lourd avec le sourire carnassier.
Baston.
Premières missions du jeux, entrecoupées de scènes cinématiques qui t’en brulent la rétine, un château assiégé par des méchants. Toi seul, pauvre héros solitaire, peut forcer le siège et leur mettre une branlée. Jeu japonais, je le rappelle. Dans le château, il y a une personnalité. La déesse, accessoirement sœur du héros. On ne comprend pas trop pourquoi, mais il ne faut pas qu’elle tombe entre les mains des méchants (logique ceci dit, sinon mario bros n’aurait jamais existé).
Premier constat, le jeu n’est pas très beau. Décors vides, ennemis ayant TOUS la même tronche. Les animations sont pas mal ceci dit. Taches de sang, toutes les mêmes, mais qui on le mérite d’exister. Ca donne un petit côté violent, sympa. Un poil de magie lié aux armes, mouais ça a l’air rigolo, faudra voir la suite. Musique.
Musique.
Oh Aime J’ai. La musique. Répétitive, agressive, sons clairs, violons grinçants, gros tambours rythmiques. Qu’est ce que c’est que cette musique ? Passé le choc, on se rend compte qu’elle rend d’autant plus violent, elle donne envie de taper, de boire le sang de ces ennemis dans un verre en forme de crane. La musique de ce jeu est parfaite pour celui qui joue. Pas pour les autres.
Bon, on a déjà le sang, le perso bourrin, la musique enivrante et guerrière. Il est ou le dragon là bordel ? Ah, on le rencontre. Finalement, notre héros n’est pas tant un surhomme que ça, vu qu’il c’est quand même pris des coups dans la gueule avant d’arriver dans le château. Se trainant à l’aide de son épée comme béquille, il voit donc sa future fière monture, elle aussi mise à mal, accrochée au sol, du sang partout, des inscriptions cabalistiques autour d’elle. Ils se détestent.
Les dragons n’aiment pas les humains dans ce jeu, suite à un plot scénaristique que je ne révèlerais pas. Caim (le héros) n’aime pas les dragons, suite à la mort de ces parents. On frôle l’originalité là dites-moi. Bon, les deux se tchatchent, et Caim déclare au dragon vouloir faire un pacte. Un pacte ? L’union d’un homme avec une créature, apportant pouvoir et puissance, une vie partagée (si l’un meurs, l’autre aussi) ainsi qu’une perte pour l’humain. A priori, seul le pacte peut les sauver de leur funeste destin. Bon gré mal gré le dragon accepte. Superbe cg, un partage d’âme, rien que ça. Ils se sentent revigorés et décident donc de foutre une tatane à leur ennemi commun, faudrait pas changer les bonnes habitudes.
Pan pan, baston, boule de feu, youpi. Le dragon bouge au poil, attaques surpuissantes, on se sent vraiment le maitre du monde même si on n’écrase que des polygones moches tous ressemblant. Mission un peu plus en l’air, décor 3D de fond très bien mappé, armoire normande volantes ou rubicube sans couleur comme ennemis.
Ah tiens, on délivre la princesse. Avec toutes ces émotions, on l’aurait presque oublié…Eh mais ! Le héros ne parle plus ? Ah d’accord, le sceau de son pacte est sur sa langue. Euh wow, ils sont allés chercher loin là. Héros aphone, héros aphone, Suikoden ? Zelda ? Marrant ça, mais on oublie vite d’y réfléchir.
Deuxième chapitre. Ah oui, le jeu est découpé comme tel. Basiquement, il y en a huit. Le huitième se concluant par la fin qui servira de lien avec le deuxième épisode. Bon, on avance un peu dans l’histoire, et on commence vraiment à se poser des questions.
Explications. Durant les missions, divers persos du groupe interviennent, image de leur visage, voix du perso et texte à l’écran. Au début on trouve ça chouette, puis peu à peu, on se rend compte qu’il y a d’autres personnes qui interviennent. Notamment les soldats ennemis, qui ont des yeux rouges (merci Druillet) et qui parlent un peu comme des robots. Enfin, un peu comme des gens possédés par un esprit maléfique cherchant la ruine et la destruction du monde qui parleraient de manière robotique.
Vous balancez des lattes sauvages sur les ennemis en faisant gicler le sang pendant que la musique hautement répétitive vous vrille le cerveau au point que vous ne pensez à rien d’autre qu’a taper et des gens vous racontent des trucs du style « Boire ton sang » « La déesse…La déesse… » « J’ai peur maman » avec des voix plus que bizarroïdes.
Wow !
« J’ai peur maman ». C’est un des héros qui dit ça. Les pathos familiaux ont vraiment explosés dans les œuvres japonaises depuis Eva.
Les persos de ce jeu sont tous bizarres de toute façon. Caim, notre héros, est un bourrin sanguinaire sans aucune retenue qui ne pense en fin de compte qu’à tuer. Furia, la déesse, est une jeune fille meurtrie, assurant la sauvegarde du monde (rien que ça ?), et nourrissant des penchants incestueux. Inuart, le mari officiel de la déesse, n’est qu’un pleutre ayant un complexe d’infériorité vis-à-vis de Caim. Verdelet, le gentil prêtre qui a le savoir est un fourbe qui n’hésite pas à se cacher derrière les autres et à invoquer sa mère.
Les autres persos jouables, au nombre de trois, ne sont eux aussi pas en reste. Leonard, tout d’abord, un prêtre d’une trentaine d’année aimant beaucoup les petits garçons et se refusant à voir la cruauté du monde. Arioch ensuite, une elfe rendue folle, veuve et accessoirement ménopausée par l’aventure. Seere, un petit gamin à l’égo énorme, ayant éternellement dix ans, se prenant pour un héros légendaire.
Le grand méchant de l’histoire est une gamine de six ans. Et ça tient la route, juré.
Sur les huit chapitres basiques, on se rend compte qu’au bout du quatrième, on nage en pleine fin du monde. Il faut dire que nos héros se font sacrément entuber tout du long, quelle idée de vouloir sauver le monde à une poignée aussi, on n’est pas dans un Final Fantasy là. Monstres affreux, morts vivants, tout vas bien. Mais bébés géants avec des ailes dans le dos qui ne pensent qu’à se repaitre de chair fraiche ? Les barrières du monde se relâchent et le chaos absolu envahit la terre. Ah ouais, ben ils n’y sont pas allés de main morte.
Bon, on latte le boss de fin, on regarde le générique, tout content. On se dit que c’était, quand même, un peu court. Environ 20 heures. Oh mais tiens, qu’est ce donc que cette dernière ligne qui nous indique qu’on vient de voir la première fin du jeu sur les 5 ?
Comme je l’ai signalé, la première fin permet de faire le lien avec l’opus numéro deux. Les autres apportent des alternatives, des éclaircissements de l’histoire, un peu comme des uchronies. Et elles sont toutes plus sanglantes, violents et dérangeantes les unes que les autres. Signalons qu’il m’a fallu environ 60 heures de jeu pour atteindre le dernier niveau, soluce à l’appuie, que j’ai dépassé allègrement la centaine, et que je n’ai pas tout à fond.
Voilà le résumé du jeu : dérangé. Ce jeu nous mets mal à l’aise, il fait tout pour qu’on se retrouve avec des pensées sombres, violentes. Situations immondes, réflexions orgueilleuses, lâches, affreuses, persos infâmes jusqu’au bout. Vous ne serez pas épargnés une seule minute. Le jeu mérite amplement son logo 16+.
Signalons encore un point sur la musique, j’avais tiqué au chapitre quatre sur celle-ci, me rappelant vaguement de quelque chose déjà entendu. En regardant le générique, j’ai compris pourquoi. Il s’agit intégralement de musiques classiques, en grandes parties russes, reprises et remixées de manière assourdissante et violente. Wow, troisième fois.
Dernier détail, la carte du monde complètement découverte. Ca ne vous rappelle rien ? Retournez-la. Mettez ça avec le héros aphone. Vous ne voyez toujours pas ou je veux en venir ? Vous n’avez plus qu’à voir la dernière fin.
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